ARTISTIC LAB

PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION

Guillaume Logé

Le Forum Vies Mobiles a confié à l’anthropologue Rahul Srivastava et à l’économiste Matias Echanove (de l’agence indienne Urbanology), une recherche pour laquelle ils ont mobilisé le photojournaliste Ishan Tankha. Cette recherche est centrée sur les mobilités entre Mumbai (Bombay), l’une des mégalopoles les plus peuplées de la planète, et la région côtière du Konkan reliées, depuis un peu plus de 25 ans seulement, par une ligne de chemin de fer. Démarrée en 2014, l’étude s’est d’abord consacrée à comprendre le rôle du chemin de fer dans les relations qu’entretiennent Mumbai et la région du Konkan, avant de dresser, de 2016 à 2017, le portrait en mouvement de quelques-unes de ces familles qui, à travers les générations, ont organisé leur vie entre Mumbai, les villes moyennes et leurs villages d’origine qu’elles n’ont jamais vraiment quittés. Ces familles ont adopté des modes de vie qui témoignent du sentiment d’appartenir aussi bien à la ville qu’à la campagne, des modes de vie où circulent membres de la famille et de la communauté, revenus, croyances et styles architecturaux.

Basé à New Delhi, Ishan Tankha (né en 1981), travaille régulièrement pour de nombreux médias (India Today, South China Morning Post, The Guardian, Le Soir, National Geographic, Le Monde, etc.) en même temps qu’il poursuit un travail personnel dont on peut suivre la trace sur son compte Instagram (@ishantankha), dans le prolongement, parfois, des commandes qu’il reçoit. C’est ainsi qu’il retourne, après plusieurs reportages, dans le Red Corridor, cette zone de l’Est de l’Inde où s’affrontent les rebelles maoïstes et les forces gouvernementales. Il tient à rendre compte du sort des communautés adivasis (aborigènes), à partager leur quotidien avec un engagement tel qu’il finit par être atteint lui-même par la malaria qui sévit dans cette région en conflit. La série A Peal of Spring Thunder (Un roulement de tonnerre printanier, 2008-2015) est révélatrice de l’empathie avec laquelle il aborde ses sujets, dont la dimension, plus ou moins politique ou humanitaire, est toujours profondément focalisée sur l’homme.

C’est une sensibilité du même ordre, consacrée tout entière à restituer l’épaisseur de l’existence, que l’on retrouve dans la série en deux temps (The Konkan Railway) qu’il réalise pour la présente recherche. Le contexte culturel compte pour saisir les nuances de son travail. L’Inde est un pays de diversité. L’art en est l’un des principaux témoins, de l’art sacré souvent rutilant à l’art contemporain aux codes « internationaux », en passant par les productions des artistes appartenant aux centaines de communautés tribales (ceux-là que les historiens de l’art appellent souvent « les autres maîtres ») mettant en scène légendes, animaux fabuleux et nature fondatrice. Il faut garder à l’esprit cette richesse plurielle pour comprendre la portée de l’expressivité, du foisonnement, de la subtilité des couleurs, du sens de la communauté, de la spiritualité et du rapport à l’environnement que les photographies d’Ishan Tankha donnent à voir.

Les lignes esthétiques qui traversent l’ensemble des images, sans heurts, dans une impression de continuité et d’échos, rendent compte de la relation entre ville et village que le mode de déplacement a intensifiée. Les deux espaces semblent comme se fondre à l’intérieur d’une organisation familiale qui les occupe chacun à la fois. La césure que l’on s’attend habituellement à ressentir tend à disparaître à la faveur de transferts culturels, religieux et architecturaux qui traduisent la fluidité qui s’est installée.

Impossible d’isoler l’individu dans ces images. Il est toujours, aussi, ce qui l’entoure, où il va, avec qui il se trouve. La poétisation du décor n’est jamais gratuite. Elle parle de l’appartenance plurielle de l’homme, de son identité liée à l’espace, aux croyances, aux valeurs familiales. Elle parle de la vie comme d’un tissage indivisible qui nous fait comprendre la profondeur existentielle de cette mobilité que le train facilite.

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