ARTISTIC LAB

PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION

Léo de Boisgisson

Thomas Sauvin

La Chine, grande puissance de notre siècle, évoque en tout point gigantisme et vitesse. Le « Zeitgeist », l’esprit du temps chinois, est indéniablement celui d’un pays tourné vers le futur. Depuis les années 1980, sous l’impulsion du gouvernement central, le pays a connu des mutations vertigineuses à une cadence vertigineuse. La mobilité n’est-elle pas, sous toutes ses formes, au cœur de ce processus de transformation ? Motorisation, urbanisation, déplacements de populations, « transhumance » lors des vacances, développement du réseau ferré : le monolithe qu’était la Chine il y quelques décennies s’est morcelé et complexifié. Partie prenante dans les affaires du monde via des alliances politiques et commerciales, à la conquête de l’ouest avec la constitution de nouvelles routes de la soie, la Chine s’inscrit aujourd’hui dans une multitude de nouveaux réseaux.

C’est dans ce contexte que le projet Mobilité en Chine : 50 ans d’accélération vus par les Chinois a vu le jour. Il vise à sonder les rapports entre modernité et mobilité en Chine. Piloté par Jérémie Descamps, urbaniste, et une équipe franco-chinoise regroupant une sociologue, une géographe, une critique d'art, un collectionneur et un artiste, ce projet interroge les imaginaires, la mémoire et les aspirations liés à la mobilité des citadins chinois avec une approche mêlant outils scientifiques et artistiques. Comment le citadin chinois se situe-t-il dans ce mouvement permanent, quand les réformes qui transforment villes et campagnes suivent un schéma directeur plutôt que les réalités plus organiques des affaires humaines ? Afin d’aborder ces questions et de dresser un panorama de ces représentations, la recherche propose un travail transversal en trois volets où l’image joue un rôle central. Elle est le fil rouge de la recherche : à la fois garde mémoire, matériau de recherche et support de création.

Le premier volet de la recherche est la constitution d’un fonds iconographique assemblé à partir des archives photographiques du collectionneur Thomas Sauvin, qui a compulsé plus d’un million d’images pour le projet. 82 clichés ont finalement été choisis de façon collégiale par l’équipe de recherche. Au travers de sources extrêmement variées allant des publications de propagande aux photos prises dans des studios avant la naissance de l’argentique populaire, aux travaux de photographes contemporains et de photos d’anonymes (archive Silvermine), cette sélection offre une rétrospective visuelle de la mobilité des cinquante dernières années. On y retrouve les grandes figures de la mobilité en Chine, au sens mythologique et « barthésien » du terme : la mobilité « rouge » au temps où les jeunes allaient en « pèlerinage politique » à Pékin, les masses des cyclistes avant l’arrivée de l’automobile, le grand périple des voyageurs en train au moment du nouvel an chinois, etc.

Le second volet est une enquête sociologique réalisée par la sociologue Zhou Le, qui utilise ce fonds pour actionner le processus mémoriel des individus qu’elle a interrogés. En effet, quoi de mieux que ces images pour convoquer le passé, les souvenirs et les associations d’idées ? La force évocatrice de ces photos, réunies sous la forme d’un album, a joué un rôle de première importance dans l’enquête réalisée auprès d’une cinquantaine de personnes dans cinq métropoles chinoises. La mémoire ainsi convoquée s’appuie sur des thèmes familiers et les langues se délient. On distingue, parmi les photos sélectionnées, les images récurrentes qui s’inscrivent dans l’inconscient collectif chinois – le bus bicolore, la première bicyclette, les embouteillages… – de ce qui relève de l’intime – un quai de métro qui rappelle un baiser volé d’adolescente par exemple. C’est le vécu de la mobilité qui est ainsi mis en avant, grâce à une approche qui dévoile les ambiguïtés intrinsèques dans lesquelles vit le Chinois moderne, tiraillé entre un désir de mobilité accrue et une aspiration à plus de stabilité. Ce volet de l’enquête a fait l’objet d’un rapport et d’une synthèse, téléchargeables ici.

Retranscrire cette tension entre stabilité et mobilité, lenteur et vitesse, passé et modernité, est au cœur du travail de Wang Gongxin, artiste vidéaste en charge du troisième volet de la recherche. Au-delà de sa participation à tous les débats qui ont ponctué et nourri le projet, son intervention a consisté en une captation des grands thèmes de l’étude sous une forme sensible. Le résultat est une fresque en mouvement intitulée Yi (« transplanter », « déplacer », « bouger » en chinois), qui a vocation à être présentée sous forme d’installation. Cette pièce visuelle et sonore est constituée de plans séquences réalisés dans des localités variées de Chine, en zone urbaine, périurbaine ou rurale. Nature, foule, personnages en mouvement et paysages urbains se télescopent sur plusieurs temporalités. En jouant avec la vitesse de l’image, accélérée ou ralentie, avec les sons, doux ou stridents, et avec les échelles, macroscopique ou microscopique, cette pièce intense de quatre minutes traduit en un langage sensible et visuel ce point d’inflexion où se situent les individus en Chine aujourd’hui.

Retour à l'exposition

Ce site est optimisé pour une lecture sous Chrome, Internet explorer ou Safari. Si vous constatez des problèmes d'affichage nous vous invitons à utiliser un de ces navigateurs.

Message Important

Ce site est optimisé pour une lecture sur tablette / bureau, et n'est pas compatible avec les mobiles.