Présentation de l'exposition
L’artiste, pour qui photographie et vidéo constituent deux moyens d’enregistrer une situation - que celle-ci soit prise sur le vif ou dans l’espace court du paysage qui défile à distance - emploie aussi d’autres techniques plastiques (dessin, collage, découpe, pliure ou plissage…). Ce site, qui en rend compte, s’ouvre sur des vues du train ou, comme Sylvie Bonnot préfère le dire, sur des images du dedans et du dehors. Un portrait (Andreï) semble nous inviter au voyage, légèrement intrigant. Il est suivi de nombreux autres : « Peu importent les notions de vérité et de réalité, car il s’agit avant toute chose de faire résonner ces visages avec ce qui a bien existé : un déplacement commun et continu de sept jours et six nuits dans les grandes plaines de Sibérie. » (S. B., notes, octobre 2014).
Les photographies du territoire traversé et les vidéos (généralement montées en diptyque) impriment à l’ensemble la marque double de l’immensité et de la lenteur : cet écrasement du mouvement. Ce dernier tend en effet à disparaître avec l’étalement du trajet - comme un arrêt du temps, mais un arrêt provisoire. Ensuite, nous découvrons les carnets de voyage : des carnets de dessins, exécutés durant les étapes et après l’arrivée à Tokyo ; car dessiner dans le train se révèle vite impossible à qui s’y essaye (sauf à accepter que la ligne tremble, ce à quoi Sylvie Bonnot se refuse). Ces carnets relatent un parcours et en même temps ils s’en détachent. Ils apparaissent comme hors du temps. Le montage vidéo que l’on peut voir sur le site est la forme sous laquelle l’artiste entend désormais les montrer. Ouvrir un carnet c’est ne voir qu’un extrait, alors que ce qui se donne ici est un ensemble complet, construit et néanmoins ouvert ; un livre au-delà de la pagination.
Son travail est toujours issu d’une suite de décisions, longuement pesées et mûries - comme l’a été tout le projet lui-même depuis la rencontre de l’artiste avec l’équipe du Forum Vies Mobiles. Le déplacement en deux temps et deux durées spécifiques (Russie/Japon) s’est construit et développé pas à pas, avec ceux qui sont devenus à un moment ou à un autre ses compagnons de route - les Russes disent « spoutnik », mot rendu célèbre par l’aventure spatiale. Sylvie Bonnot explique ainsi que le Japon était le but initial - un pays où elle s’est rendue plusieurs fois mais où elle n’avait jamais séjourné aussi longtemps, et presque jamais dans une seule ville. Le transsibérien est apparu après, dans la discussion avec le Forum, alors qu’il se situe finalement au début du projet effectif… Pour elle, il s’agissait de ralentir le voyage, de retarder le début des prises de vue à Tokyo. Sur Tokyo, Sylvie Bonnot écrit : « Conformément au projet d’origine, j’ai observé en lenteur la valse, les temps morts et les marathons des habitants et des usagers de la mégalopole en tentant de ralentir le rythme effréné qui la régit, non seulement en isolant des sujets mais aussi au moyen de la prise de vue à vitesse lente afin de créer des images où les flux de personnes en mouvement deviennent des brumes fantomatiques. Çà et là on perçoit des parties de leur corps, de leur visage… une chaussure. » (S. B., notes, octobre 2014).
À la fin, comme on referme un livre , l’artiste replie certaines de ces images pour les transformer en volumes, traces solidifiées de l’instant. C’est pourtant là, au Japon, que le travail photographique a pu se développer dans la durée et dans un déplacement non contraint, non confiné : en arpentant les rues, les stations et des carrefours plus ou moins balisés.
NB: Contre-courant est issu du projet de recherche Contre-Courant Tokyo encadré par le Forum Vies Mobiles.
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